lundi 15 août 2011

La «lesbienne numéro 1» du Bronx

NEW YORK - Émue et nerveuse, la révérende Carmen, «lesbienne numéro 1 du Bronx» comme elle se définit avec orgueil, s'apprête à épouser Doris dimanche, jour de l'entrée en vigueur dans l'État de New York de la loi autorisant les mariages homosexuels.
A 48 ans, cette Portoricaine de naissance a passé toute sa vie dans le Bronx, où elle est une figure de la lutte pour les droits de la communauté homosexuelle, dans un quartier difficile et connu pour son machisme.
«Je suis la lesbienne numéro 1 du Bronx, en lutte contre l'homophobie dans la communauté hispanique, où le machisme est roi», raconte à l'AFP Carmen Hernández, lors d'une interview dans son restaurant préféré sur Westchester Avenue, à l'est du Bronx.
À ses côtés, Doris de Armas, Américaine de 50 ans d'origine portoricaine et cubaine, sourit à l'écoute des affirmations guerrières de celle qui est sa compagne depuis deux ans. Elle a toujours préféré «la vie privée» et n'est pas habituée aux journalistes.
«Nous nous connaissons depuis quatre ans. Nous sommes ensemble depuis deux ans. Cette attention médiatique est un choc pour moi, même si connaissant Carmen, je m'y attendais un peu», dit-elle, évoquant toutes les demandes d'interview de la presse locale.
Pour Carmen, révérende chargée des jeunes à l'Église méthodiste de la Résurrection, l'adoption de la loi sur le mariage gay le 24 juin dernier a été aussi importante que l'élection de Barack Obama à la présidence des États-Unis en 2008.
«Je suis presque tombée à genoux en rendant grâce à Dieu» cette nuit-là, raconte-t-elle. Le gouverneur Andrew Cuomo avait promulgué la loi peu avant minuit, après le vote historique du Sénat.
Le 6e État américain à approuver le mariage gay
«Ce qui me rend triste, c'est que New York aurait dû être la première à approuver la loi sur l'égalité du mariage, et ça n'a pas été le cas. Mais comme disait Frank Sinatra, "si on l'a fait à New York, on peut le faire partout"», ajoute-t-elle.
L'État de New York est devenu le 24 juin dernier le 6e État américain, et le plus grand, à autoriser le mariage gay.
La loi entre en vigueur ce dimanche et la mairie de New York, débordée par les demandes, avait annoncé un tirage au sort de 764 couples.
Finalement, 823 couples se sont inscrits à la loterie mise en place par la mairie de New York, qui a décidé de ne pas tirer au sort et de marier tous les candidats dimanche: 459 couples à Manhattan, 98 dans le Bronx, 112 à Brooklyn et dans Queens, 42 à Staten Island.
«Nous, nous allons nous marier dans le Bronx, parce que le Bronx m'a élevée, le Bronx m'a faite telle que je suis aujourd'hui», explique Carmen, qui est également présidente pour le quartier de la Chambre de commerce de la communauté gay.
Après la cérémonie, Carmen et Doris ont prévu d'organiser une fête sur une plage proche, où elles ont convié la presse et une centaine de personnes.
«Tout va être très simple, l'environnement va nous servir de décor», souligne Doris, qui passe commande pour une de ses filles adoptives, Krystal, 13 ans, présente à l'entretien.
Une famille pour Carmen
Car en rencontrant Doris, Carmen a trouvé une famille: sa future épouse a quatre enfants, deux naturels et deux adoptifs, et cinq petits-enfants.
«Moi je n'ai pas d'enfant, je n'ai jamais eu de relation avec un homme, mais elle si. C'est ce que j'ai aimé chez elle. J'aime les enfants», dit avec un sourire cette femme qui souffre de fibromyalgie, une maladie caractérisée par un état douloureux musculaire chronique.
Comme tout le monde, Carmen a ses blessures: «ma mère est homophobe, pour des raisons religieuses. C'est la grande tristesse de ma vie, de ne pas pouvoir partager mon bonheur avec ma mère, que j'adore», dit-elle.
Mais en règle générale elle s'estime heureuse et appréciée dans sa communauté. Elle se rappelle la réaction des parents des enfants dont elle avait la charge, lorsqu'à 30 ans elle leur avait annoncé qu'elle était lesbienne.
«Lorsque je leur ai fait mon "coming out", j'ai fondu en larmes», se souvient-elle. «Carmen, ce que tu as fait pour nos enfants n'a rien à voir avec qui tu es dans ta vie privée», m'ont-ils répondu. «Cela m'a touchée, les parents m'ont acceptée. Leurs enfants sont maintenant des adultes, des hommes et des femmes, et ils m'ont acceptée aussi», conclut-elle.

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