mercredi 10 août 2011

SANTERRE À la campagne, entre filles

Dans un village du Santerre s'est créée, il y a une bonne dizaine d'années, une maison de vacances pour lesbiennes. Un lieu inédit, dont les propriétaires sont très militantes.
À l'autre bout du fil, la voix est très douce, mais hésitante. «Oui, bien sûr que ça m'intéresserait, un article... Mais si on met notre nom et celui du village, j'ai peur qu'on y vienne pour casser de la lesbienne.» Pourtant, il ne leur est jamais rien arrivé, à Marie-France et Nadine (les prénoms ont été changés), depuis qu'elles ont ouvert leur maison de vacances pour lesbiennes, il y a douze ans, dans un petit village du Santerre. Rien de grave, s'entend. «Depuis un moment, ça va bien, enfin, bien... Disons que ça ne va pas trop mal», souffle Marie-France. Tout au plus des bouteilles de bière lancées dans le jardin et des insultes jetées à la volée. « Le village sait ce qu'il se passe, ce qu'on fait, mais il ne pose pas de nom dessus. Petit à petit, on a fini par gagner leur estime
Cette Parisienne à la retraite a choisi la Picardie - qu'elle a découverte par une amante - aussi pour des raisons de santé. La capitale est bien trop polluée pour ses bronches. Elle s'installe donc dans ce petit village avec Nadine, y ouvre sa maison et la perçoit comme un lieu de pause. Elle espère surtout recréer cette ambiance si particulière qu'elle a connue dans les années80, alors qu'elle-même séjournait dans ce type de logement, dans le Sud. «Les conditions étaient un peu plus rustiques. On s'en fichait. À l'époque, les lesbiennes étaient prêtes à faire des kilomètres pour passer une soirée entre elles. C'était très militant, un retour à un féminisme ancestral.» Maintenant, les choses ont un peu changé, « les lesbiennes veulent du confort».

L'homophobie toujours présente

Les échanges ne sont plus du même acabit, moins passionnés, peut-être un peu plus matériels ou purement politiques. On y flâne le temps d'un week-end. Ou plus. «Le fait qu'elles me soutiennent financièrement, qu'elles choisissent de venir là plutôt qu'ailleurs, est politiquement important. Quand de plus, on peut parler littérature ou films, ou de notre vécu, il y a vraiment un partage et un échange authentiques, et cela me revigore», sourit Marie-France, qui ajoute ne pas faire ça pour l'argent. Elle accueille tous les âges, de 25à 80ans, même si la majorité tourne autour de la quarantaine, et vient d'un peu partout, même de l'étranger. Et chacune a un cheminement différent dans son parcours de lesbienne.
Une chose est identique, tout de même, l'homophobie, toujours là. En douze ans, Marie-France et Nadine ont vu défiler de nombreux couples, «certains se sont rencontrés chez moi, d'autres ont rompu», et les témoignages finissent par se ressembler. Si en ville, les lesbiennes vivent dans l'indifférence, en banlieue, où Marie-France a vécu quelques années, la situation ne s'est guère améliorée. «C'est du bruit, des agressions, des insultes... En théorie, tout le monde est d'accord, tant que ça ne touche pas son fils ou sa fille. C'est après que ça devient compliqué.» L'acceptation n'est pas encore pour demain.

http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-locale/Haute-Picardie/A-la-campagne-entre-filles

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