mardi 5 juillet 2011

Anna Margarita Albelo: «Je voudrais que l’on dise «la culture lesbienne» comme on dit «la culture française»


Matin ensoleillé à Los Angeles, fin de journée chaude à Paris. Via webcam, elle semble la même, chaleureuse, passant de l’anglais au français dans son discours toujours passionné. Entre gorgées de café et bouffées de cigarette, Anna Margarita Albelo embrasse culture lesbienne, cinéma américain, européen, sa vie américaine depuis maintenant quatre ans après quinze ans passés à Paris, évoque ses racines cubaines et son nouveau projet de film, Who’s Afraid Of Vagina Woolf?.
Anna, une génération de lesbiennes françaises la connaît sans doute mieux sous le nom de La Chocha, fille glamour et déjantée au verbe haut, organisatrice des mythiques soirées Ladies Room à la fin des années 1990. Anna est une cinéaste engagée, réalisatrice de documentaires appartenant désormais au panthéon lesbien pour ne parler que de celui là : Gay à Cuba, Broute-minou à Palm Springs, diffusé sur Canal+, et plus récemmen tHooters!, le making of de The Owls, film collectif réalisé, en 2010, en quelques jours .

CRISE DE LA QUARANTAINE
La même? Au fil du temps, Anna a pris le pas sur la Chocha. Anna s’attaque à la fiction avec Who’s Afraid Of Vagina Wolf? Dans cette comédie dramatique, une réalisatrice prend la crise de la quarantaine en pleine gueule. « Elle a sacrifié sa vie amoureuse pour sa carrière, raconte Anna Margarita Albelo. Elle comprend qu’elle n’a réussi ni l’une, ni l’autre ». Elle décide alors d’imaginer une parodie du film Qui a peur de Virginia Woolf?, avec Liz Taylor et Richard Burton, tiré de la pièce d’Edward Albee. Avec un casting entièrement féminin.
Une auto-fiction? «Oui, mais très fictionnalisée, aussi drôle qu’elle peut être sombre». Anna a passé le «big 4-0» la semaine dernière. Les mois qui ont précédé ont ressemblé à une «grande crise de nerfs, confie-t-elle. L’an dernier, je me suis dit, soit j’abandonne et je disparais, soit j’essaie de comprendre ce qui m’arrive. L’écriture du scénario a été une véritable thérapie, une analyse».
Le film raconte l’histoire d’une génération qui a voulu casser le plafond de verre: «Nous avons mis et mettons 200% de notre énergie à cette mission». Le titre fait aussi référence aux Monologues du Vagin, la pièce d’Eve Ensler qui célèbre cette année 15 ans de succès planétaire. «Je m’interroge sur notre intimité, nos amours, sur la peur des femmes fortes, de notre peur, parfois, de notre propre féminité et de notre intimité», indique Anna.

UNE DISTRIBUTION QUI FAIT RÊVER
La distribution devrait faire rêver n’importe quelle fille un brin cinéphile tendance communauté. Guinevere Turner, héroïne du fondateur Go Fish,est de la partie avec Tammy Lynn Michaels (The L Word, D.E.B.S. version court métrage), Whitney Mixter (The Real L Word)… et Anna Margarita Albelo qui tient le rôle principal.
Du beau monde, pour elle une évidence. Une communauté d’amis tous rencontrés dans le cinéma ces 7 ou 8 dernières années, des professionnels. Au-delà de l’histoire, le projet séduit par sa politique: «C’est un film hybride, poursuit la réalisatrice. Nous sommes entre le film fait entre copains et le film indépendant qui demande aujourd’hui plusieurs millions de dollars. Quand nous avons commencé, nous nous sommes dit que nous pouvions le faire en dix jours avec 10000 dollars, puis nous sommes passés à 22 jours pour 25000 dollars. Le budget du film se monte aujourd’hui à 50000 dollars qui correspond aux frais de tournage (éclairage, cantine, cotisations des comédiens et techniciens…)».

DU «DO IT YOURSELF» AU «FAIS-LE AVEC LES AUTRES»
Les économies y sont passées, Anna Margarita Albelo fait appel au «crowd funding», par le site IndieGoGo (un peu à la mode J’aime l’info pour Yagg): «Nous ne sommes plus dans l’idée «do it yourself», explique-t-elle, plutôt dans le concept «fais-le avec les autres». On peut verser 50 dollars, avoir le DVD de Hooters! en bonus; pour 75 dollars il y aura en plus le DVD deVagina Wolf. C’est une histoire de participation mais aussi d’échange».
On reste loin des budgets astronomiques du cinéma américain, «c’est la beauté de cet hybride», sourit-elle. Elle vit de son art, chichement, précairement, mais elle très fière de son statut, de ses succès, d’une célébrité assez solide.
Depuis ces années qu’elle explore, observe, réalise, elle a des objectifs toujours ambitieux: «Je voudrais que l’on dise «la culture lesbienne» comme on dit «la culture française»». Elle évoque la visibilité de plus en plus importante des films lesbiens, ainsi au récent festival de Sundance: «Je voudrais changer le regard des gens sur les femmes, les lesbiennes, mon objectif est de faire des films qui atteignent le plus large public possible». Elle dit encore s’être «retrouvée au plus essentiel d’elle-même» dans l’élaboration du film.
Elle assure enfin: «Je ne m’arrêterai pas d’être La Chocha. Avoir un alter ego est précieux. Cela m’a permis d’extérioriser ce que j’avais trop peur de vivre en Anna». Le tournage commence le 23 juillet à Los Angeles. Elle dit au revoir dans un sourire. Derrière elle, via webcam, le ciel n’a pas de limite.

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